Le danger de la mémoire [Pv April]

Quand j’avais ouvert les yeux ce matin, il était plus de onze heures passés. Je ne m’étais pas affolée plus que ça en voyant l’heure. Bien au contraire, j’avais agi comme si c’était tout à fait normal d’être debout à une heure pareille. J’avais encore du mal à dormir la nuit. J’avais tellement été habituée à dormir le jour que je passais toujours une grande partie de mes nuits à me balader dehors ou à chasser. Ce n’était pas très sérieux, surtout que Lily-Rose m’avait souvent répéter qu’il allait falloir que je m’y fasse à ce nouveau mode de vie. Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire. Je faisais des efforts, mais là… J’avais passé la quasi-totalité de la nuit dans la forêt à réfléchir et à essayer de me souvenir de ce qui me faisait défaut. Anhya était entrain de chercher un moyen de me rendre la totalité de mes souvenirs, mais elle faisait encore chou blanc. Elle était certaine que dans son truc, mon père avait fait une erreur quelque part. En même temps, Dracula était un vampire et pas un sorcier. Cependant, mon amie sorcière faisait ce qu’elle pouvait mais pour l’instant, elle ne faisait que chou blanc. Je ne lui en tenais pas rigueur. Elle n’avait que 21 ans si ma mémoire était bonne, aussi, elle n’était pas aussi expérimentée qu’un sorcier d’un certain âge et des années de pratique derrière lui.

A midi, quand le soleil était bien haut dans le ciel, je décidais de sortir de ma chambre pour aller prendre mon repas avec les autres. Enfin, prendre un repas était un bien grand mot. J’étais assise au milieu des amis que je m’étais faite depuis que j’étais arrivée ici, mais je n’avalais rien. Eux se nourrissaient d’une poche de sang. Moi… ça attendrait ce soir. Il était hors de question que je mange ce truc là. C’était infect. Encore plus que du sang animal alors très peu pour moi.
Je devais m’intégrer. C’était ce que la plupart me disait. Sauf que… j’avais du mal. Avec ma mémoire qui me laissait des blancs, j’avais d’autres chats à fouetter que de chercher à vivre la même vie que les autres. En plus de ça, j’ignorais ce qu’était devenu Père, et autant vous dire que je ne faisais qu’y penser.

Comme les autres, je me rendis en cours. J’avais loupé toute la matinée donc le cours de Langues Etrangères, donné par M. Walter. Un prof qui s’intéressait de près à mon cas. Trop près à mon gout. Mais tant qu’il ne marchait pas sur mes plates bandes, ça allait. D’ailleurs, je profitais de terminer tôt les cours pour aller lui rendre une petite visite. Non pas que l’envie me prenait, mais n’ayant pas pris la peine de me réveiller de bonne heure, je n’avais pas assisté à son cours alors que nous devions aujourd’hui même lui rendre un devoir.
Je savais qu’il travaillait dans sa salle de classe à son bureau, donc c’est là-bas que je me rendis tranquillement, sans me presser.
Une fois devant la porte, je frappais et attendis le signal pour entrer. Dès qu’il fut donné, j’actionnais la poignée et pénétrais dans la salle de classe aux rideaux fermés. Je refermais la porte derrière moi en lâchant un « bonjour » et m’avançais pendant qu’il me demandait ce qu’il pouvait faire pour moi. Machinalement, je sortis mon devoir de mon sac et le posais sur son bureau.

« Vous donner ça. J’ai pas entendu mon réveil ce matin. Désolée. »

Même s’il prit mon devoir et le posa sur sa file, j’eus quand même le droit à une remarque comme quoi ce n’était pas bien de louper les cours et bla bla bla… Je levais les yeux au ciel et soupirais légèrement. Bon, j’étais peut-être disgracié parce que c’était la première fois que je loupais son cours, mais ça m’énervait. Je croisais les bras sur ma poitrine.

« Premièrement, je suis un vampire et par définition, je dors le jour et vis la nuit. Et c’est ainsi que j’ai toujours vécu jusqu’à arriver ici. Alors il ne faut pas non plus m’en demandé des montagnes. Je fais des efforts pour être là sauf que j’arrive pas à me faire à ce rythme. Et puis d’abord, c’est quoi cette discrimination de nous faire dormir la nuit comme n’importe qui, hein ? Ce qui est deux fois plus ridicule et cette soi-disante intégration que vous essayez de nous faire. Pourquoi est-ce que ce n’est pas les autres qu’on ferait dormir le jour plutôt que la nuit, hein ? Moi, la nuit, je chasse pour manger c’est pour ça que je ne suis pas venue ce matin. D’ailleurs, en ce moment même je tiens à peine debout parce que j’ai un sérieux manque de sommeil ! »

Ouais, j’y allais un peu fort, mais je l’avais sur le cœur. Ca représentait un énorme changement pour moi, tout ça. A peine sorti de mon cercueil, PAF ! Allez ma petit April va te coucher, demain, 9h y’a cours ! Et bien non ! Tout ça me dépassait. Pour commencer, je ne devrais même pas être là ! Je m’étais réveillée au beau milieu d’une forêt alors que mes derniers souvenirs se trouvaient dans notre château, à mon père et moi, en Transylvanie, en Roumanie. Or là, j’ignorais exactement ou j’étais, mais ce n’était pas la Transylvanie.
Si je restais ici, c’était parce que je n’avais pas le choix et aussi parce qu’Anhya, mon amie sorcière, m’avait proposé de m’aider à retrouver toute ma mémoire. Sinon, rien ne me retenait ici. Je n’étais pas là par ma volonté et personne ne m’y avait envoyé.
Qu’est-ce qui m’était arrivée durant mon sommeil ? Je paierais cher pour le savoir parce qu’il n’y avait rien de plus chiant de que ne pas savoir ce qu’il m’était arrivé pendant que j’étais enfermée dans ce cercueil dans lequel j’avais, à la base, refusé d’entrer.

Je posais ma main sur le front et pris une grande inspiration. Il fallait que je me calme, ça ne servait à rien que je m’énerve comme je le faisais. M. Walter n’y était pour rien avec tout ça. Il se contentait de faire ses cours et il ne cherchait pas plus loin. Même si je m’étais rendue compte qu’il s’intéressait à moi d’un peu trop près. Je connaissais mon passé, je savais que j’avais massacré pas mal de villages en compagnie de mon père. Maintenant, on me conseillait d’adopter la petite vie pépère comme les petits vampires de bonnes écoles qui se contentaient de boire une poche de sang pour se nourrir. Moi, je ne voulais pas de cette vie là. Je voulais être libre, c’était tout.

« Et pour finir » commençais-je d’une voix plus calme, « j’ai pour projet de retrouver mon père. »

J’avais dit ça d’un ton fier. Il était clair que personne ne m’empêcherait de le trouver.